mercredi 28 février 2018

La maison du docteur




« Je rendis ma carte magnétique à la réception, payai cette chambre où je n'avais même pas passé une nuit, et je me mis à marcher dans les rues du Santiago nocturne. Heureusement, la chaleur s'était atténuée et les arbres verdoyants du quartier de Providencia offraient une fraîcheur stimulante. Le restaurant n'étant pas loin, je décidai de rejoindre à pied la rue Guardia Vieja.
"Près de la maison du docteur", avait précisé Eladio, et, me déplaçant d'un pas lent comme un riverain sorti faire une promenade pour pouvoir trouver le sommeil, je cherchai le numéro 392 de la rue Guardia Vieja, la maison du docteur, la maison de Salvador Allende.
Elle était pareille à mon souvenir. Nous autres, les membres du GAP, le Groupe des amis personnels, l'escorte d'Allende, avions pris l'habitude de le désigner comme "le docteur", moins en référence à sa profession de médecin que parce que le respect et l'admiration que nous lui portions nous empêchaient de lui donner du camarade ou du président.
Je m'approchai de la grille d'acier noire, et comme je scrutais le petit jardin qui donnait sur la rue, la lumière de la rue projeta mon ombre presque jusqu'à la porte. L'ombre de ce que j'avais été entrait dans cette demeure quarante ans après que mon corps de jeune homme l'avait fait, à vingt ans à peine, décidé à risquer ma peau pour cet homme, "le docteur", qui incarnait le meilleur rêve possible.»





lundi 26 février 2018

Intermède breton (2) - Janelas verdes (3)


Sortir du golfe, ne pas songer au retour

Ces fenêtres sur l'ouest,
les (tes) yeux verts

La lumineuse ambiguïté des rêves

Contemplation

vendredi 23 février 2018

Licornes et nymphéas



"Elle pénétra dans la salle ovale à pas lents. La splendeur des Nymphéas l'engloba.
C'était la beauté du monde qui s'épanchait ici. Aquatique, nuageuse, frissonnante, tantôt limpide tantôt obscure, tissée de reflets et d'évocation. La parfaite beauté du monde.
Claude Monet les avait pourtant peints en 1917. Alors que la violence déferlait, que la Première Guerre mondiale activait son gigantesque hachoir.
Peindre à Giverny, dans la paix lumineuse de la campagne, créer cette légèreté, imaginer cette délicatesse floutée tandis que la planète était à feu et à sang… Pourquoi ? Cela n'était pas de l'égotisme, cela n'était pas de l'indifférence. Un homme était tout sauf indifférent lorsqu'il parvenait à exprimer une réalité à la fois si délicate et si juste, qui nous touchait au cœur."

* * *

"La princesse à l'odeur de coquelicot glisse sa caméra, son ordinateur et son téléphone dans son sac à bandoulière. Valentin n'hésite pas.
- Tu pars manger, Salomé ? Je peux venir avec toi ?
- Désolée, Valentin, aujourd'hui je ne peux pas.
Valentin se demande où Salomé s'en va. Elle lui sourit. Elle sait bien qu'il est curieux, et ça l'amuse. Elle lui parle à voix basse.
- Je vais dans un endroit qui s'appelle l'hôtel de la Licorne.
Là, Valentin est vraiment intéressé. Les licornes sont des bêtes attirantes, même si Dorine dit qu'elles n'ont jamais existé. Pourtant, il y en a souvent dans les vieux tableaux qu'aime bien sa sœur. Elles ont de belles têtes et des cornes en or. Alors, pourquoi en peindre tant si elles n'existent pas ?
- Où tu vas, il y a de vraies licornes ? Et les gens peuvent les voir depuis leurs chambres ?
- Non, répond Salomé en riant. Mais ce serait une idée. Quand j'étais petite, je rêvais d'en croiser une à la campagne.
Et la voilà qui s'en va. Valentin la regarde filer."


"Alice se leva et sortit Le Secret de la licorne de la collection de BD. Le préféré de sa nièce. Comme tous les autres, l'album était écorné à force d'avoir été lu et relu. Elle le feuilleta et sourit en se remémorant le profil concentré de la fillette aux boucles rousses lorsqu'elle avait mis le nez pour la première fois dans le monde merveilleux d'Hergé. Salomé ne savait pas encore lire. Tranquille, silencieuse, elle avait demandé à tante Alice de « bien vouloir lui faire la lecture ». Tous les albums y étaient passés."


mercredi 21 février 2018

Carnets romains (2)



À l’ancienne centrale thermique Montemartini reconvertie en musée, les divinités antiques côtoient les machines industrielles, juxtaposition judicieuse et fort réussie de deux époques, de deux mondes.

Athéna

Dionysos barbu, provenant de l'atelier de Praxitèle

Pothos, fils d'Aphrodite et frère d'Eros,
incarnation du désir nostalgique

lundi 19 février 2018

Instantanés et faits d'hiver


18.02.18 - L'hiver a su offrir quelques moments de grâce aux piétons de Paris.

17.02.18 - Night fellows, les solitudes verticales

08.02.18 - Square Le Gall, tour Albert, c'est beau aussi un soir d'hiver.

07.02.18 - Toi aussi, mon Choiseul, tu as dû porter sur ton dos le blanc fardeau.

Et quand l'hiver ici est trop triste, trop gris, trop froid,
on appelle le souvenir de l'hiver austral - Atacama, juillet 2017

mercredi 14 février 2018

Carnets romains (1)




Onzième commandement - A Paris sous la pluie, et partout dans le gris, des crépuscules romains te souviendras.




"Le Colysée offre trois ou quatre points de vue tout à fait différents. […] Ce qui m'en touche le plus, c'est ce ciel d'un bleu si pur que l'on aperçoit à travers les fenêtres du haut de l’édifice vers le nord."
Stendhal, Promenades dans Rome


"De la table où j'écris je vois les trois quarts de Rome ; et, en face de moi, de l'autre côté de la ville, s'élève majestueusement la coupole de Saint-Pierre. Le soir, lorsque le soleil se couche, je l'aperçois à travers les fenêtres de Saint-Pierre, et, une demi-heure après, ce dôme admirable se dessine sur cette teinte si pure d'un crépuscule orangé surmonté au haut du ciel de quelque étoile qui commence à paraître.
Rien sur la terre ne peut être comparé à cela. L'âme est attendrie et élevée, une félicité tranquille la pénètre tout entière."
Stendhal, Promenades dans Rome

lundi 12 février 2018

mais il reste les fenêtres



"je contemple le ciel
et comment le décrire ?
il faudrait une longue habitude
celle des anges par exemple

je ne parle pas de celle des dieux
blasés devant les nuages
et l'étendue des cieux

ni de celle des aéronefs
qui font la course au soleil
et dédaignent la lune

mais il reste les fenêtres
qui accueillent le ciel du soir
et le reflètent longtemps
mieux que les toits mieux que l'étang"

Jean-Claude Pirotte, Ajoie (La Table Ronde)

vendredi 9 février 2018

C'est l'été à Santiago


La Verticale du Roi (Ojo en el cielo)
co-production franco-chilienne

mercredi 7 février 2018

Les paupières en fer des vitrines



"Nous nous arrêtâmes avec la foule au bord du trottoir.
- Vous me suivez ? – dit-il.
Des chauffeurs de taxi forcément désœuvrés regardaient de notre côté. Des hommes-sandwiches nous séparèrent.
- Qu’est-ce que vous décidez ? dit-il.
Je l’entraînai dans le passage Choiseul :
- Vous ne voulez plus me parler ?
Je lui disais cela parce que je l’avais toujours connu.
L’alignement des vitrines fermées et des volets ne fut pas un repos.
- J’aime me taire, dit-il.
Nos pas résonnaient dans le passage, les paupières en fer des vitrines souffraient, la lèvre inférieure de l'inconnu s’affichait, une lèvre fendue comme un fruit."



lundi 5 février 2018

vendredi 2 février 2018

Oui comme le temps est un ami...



... il colore mon pays.


"Où se termine l'arc-en-ciel ?
Dans ton âme ou à l'horizon ?"
Pablo Neruda, Le Livre des questions



Lorsque vient le temps du départ,
"Nous emportons avec nous des villages dorés comme des navires de rois."
Jean Giono, Les Vraies Richesses



Et à Paris, dans le gris, dans la pluie, garder en mémoire "un azur fin et lisse comme le bassin des claires fontaines"
Jean Giono, Que ma joie demeure

* * *