mardi 26 septembre 2017

12, rue Sainte-Anne



"À peine arrivée à Paris, Suzy [Solidor] ouvrit quai Voltaire une boutique de curiosités qu'elle n'hésita pas à baptiser : « À la Grande Demoiselle. » Le dimanche, la boutique se transformait insensiblement en auberge, car les amis de Suzy en amenaient d'autres, et le pique-nique s'organisait de lui-même au milieu d'une forte camaraderie, que rehaussaient encore des chansons de matelots. Une fille très jolie, accorte et fine, Line, dirigeait admirablement ce relais galant et tenait lieu de dépensière, d'économe, de caviste et de cuisinière. De là à fonder un bar « comme les autres » il n'y avait qu'un pas. On leur dénicha un coin charmant, qui n'était autre que l'ancienne boîte Pizella. Suzy et Line, qui ont de la lecture, voulurent appeler l'établissement : « l'Amant de Lady Chatterley », mais on leur fit remarquer que leurs invitées, qui préféraient lire le bouquin et n’en pas parler, allaient faire la petite bouche. Quelqu'un qui a le sens des mises en pages, leur proposa tout simplement « la Vie Parisienne », et il ne se trompait pas, car ce titre, qui évoque Offenbach, le prince de Sagan, Boni de Castellane, Émilienne d'Alençon, Liane de Pougy, ne devait pas tarder à faire accourir rue Sainte-Anne les noctambules les plus huppés de Paris, à commencer par Van Dongen, qui fit le portrait de Suzy, […]."

Léon-Paul Fargue, Le piéton de Paris

Kees Van Dongen, Portrait de Suzy Solidor, 1927

On reviendra peut-être un jour sur la fascinante personne qu'avait l'air d'être Suzy Solidor...



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