jeudi 12 décembre 2013

Bon anniversaire au "patron"

A tout grand homme, ses fans

«[...] je ne vois pas de ville plus littéraire.
Elle l'est, on vient de le voir, par le nombre d'écrivains qui ont foulé ses pavés et rêvé à l'ombre de ses "cent clochers" [...]. Mais elle l'est aussi en étant la veille de l'écrivain par excellence, "le patron" comme disait François-Régis Bastide, celui qui est un peu le président à vie (éternelle) de l'imaginaire République des lettres, le grand Gustave. Depuis l'hôtel-Dieu, où il est né et dont son père était le chirurgien en chef, jusqu'au Cimetière monumental où il est enterré, en passant par la bibliothèque municipale où il travailla à Bouvard et Pécuchet et qui en conserve désormais le manuscrit et tout près de laquelle est installé le buste qu'il fit élever à son ami Bouilhet, et jusqu'à la lointaine périphérie du Croisset où il vécut avec sa mère, Rouen est tout entière hantée par lui. Fétichisme ou hommage, dès que j'en ai eu la possibilité beaucoup plus tard, j'ai acquis une de ses lettres. Ce n'est pas une de ces grandes et merveilleuses lettres à Louise Colet sur les affres de la vie d'écrivain, c'est l'écho d'autres affres plus modestes, une lettre à la belle Jeanne de Tourbey, actrice et courtisane, qui fut, entre autres, la maîtresse du prince Napoléon, dit Plonplon, cousin de Napoléon III. Elle ne porte pas de date, mais les érudits la pensent du 17 avril 1860. Elle a beau être brève, elle montre l'attirance que Flaubert éprouvait pour elle (sans être, à ce qu'on dit, payé de retour, ou si peu). "Ange ! lui écrit-il. / J'ai été tellement occupé ces jours derniers que je n'ai pu aller vous dire adieu. Excusez-moi et plaignez-moi. / Je vous suppose à la campagne ? Soignez-vous bien - afin qu'on vous retrouve aussi jolie que par le passé. / Je compte vous voir vers la fin d'août ? pourvu que vous ne soyez pas à un bain de mer quelconque ? / Quand vous n'aurez rien de mieux à faire, envoyez-moi de longues nouvelles de votre exquise personne. / Je baise vos jolies mains, vos jolis pieds - et tout le reste et suis votre // G. Flaubert."
Comment, après cela, ne pas attraper le virus littéraire ? »

Dominique Noguez, Dans le bonheur des villes : Rouen, Bordeaux, Lille, Éditions du Rocher


Cependant l'histoire d'amour entre Rouen et "son" écrivain n'était peut-être pas si idyllique... Et Dominique Noguez de citer une autre lettre de Flaubert, de 1843 : "[Rouen] a de belles églises et des habitants stupides, je l'exècre, je la hais, j'attire sur elle toutes les imprécations du ciel parce qu'elle m'a vu naître.", tout en ajoutant, non sans humour, que cette façon qu'a Flaubert de décrire Rouen est "un peu psychodramatique, un peu égocentrique, un peu expéditive" !


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